Un jugement récent – Droit de la famille 152316, 2015 QCCS 4320 – démontre l’importance de dévoiler à son ex ses vraisrevenus lorsqu’on paye une pension alimentaire pour ses enfants.
Voici les faits.
Le couple est déjà divorcé et lors du divorce, une entente a été signée prévoyant que les parties échangeront leurs déclarations de revenus chaque année. Mais il n’y a jamais eu d’échange de déclarations fiscales. Lors de la signature du consentement, monsieur déclarait des revenus annuels de 300 000 $.
Or, la mère fait une demande de changement de garde et de révision de pension alimentaire rétroactivement, car les enfants sont avec elle à temps plein depuis trois ans. Madame tente de connaître les revenus de monsieur mais celui-ci, par des courriels rédigés soigneusement, laisse croire à madame que ses revenus n’ont pas changé depuis la signature de l’entente de divorce. Or, cela s’avère faux, car ses revenus ont augmenté considérablement, étant en moyenne 800,000$ entre 2010 et 2013!
Le père, quant à lui, répond à la demande de la mère en plaidant qu’il a payé au-delà de ce que la loi demandait et qu’il ne devait donc aucun réajustement rétroactif.
Le juge n’est pas d’accord avec le père, et dit ceci :
[32] Ce qu’il aurait dû faire, et entre l’obligation de madame d’aller fouiller dans les rapports d’impôts de monsieur et celle de monsieur de les divulguer, cette dernière l’emporte haut la main quand il est question d’une pension pour les enfants, ce qu’il aurait dû faire, disais-je, est de dénoncer l’excédent du 300 000 $ qui avait servi de base au jugement et non entretenir une impression qu’il ne gagnait que cela. On verra dans les courriels suivants que le vocabulaire utilisé est subtil. Le demandeur, à mon avis, a commis une faute civile importante même s’il payait plus que la pension convenue.
Le père est condamné à verser une somme de 50,000$ à la mère pour ajuster la pension rétroactivement. En plus, il doit payer une somme de 25,000$ pour les frais de l’avocate de madame (ce qu’on appelle une provision pour frais), même si ceux-ci furent payés par son conjoint actuel. Le juge s’explique :
[92] Il y a eu, pour les motifs expliqués tout au long de ce jugement, un acte répréhensible du père qui a erronément informé la mère sur ses véritables revenus dans une habile présentation stratégique, ce qu’il dit ne pas avoir fait. Le Tribunal n’est pas d’accord et estime qu’il faut sanctionner ce geste même au niveau d’une provision pour frais.
Morale de l’histoire? Il vaut mieux dénoncer ses revenus même si ceux-ci ont augmenté. D’ailleurs, c’est une obligation légale selon le Code civil du Québec :
596.1. Afin de maintenir à jour la valeur des aliments dus à leur enfant, les parents doivent, à la demande de l’un d’eux et au plus une fois l’an, ou selon les modalités fixées par le tribunal, se tenir mutuellement informés de l’état de leurs revenus respectifs et fournir, à cette fin, les documents prescrits par les règles de fixation des pensions alimentaires pour enfants édictées en application du Code de procédure civile (chapitre C-25).
L’inexécution de cette obligation par l’un des parents confère à l’autre le droit de demander, outre l’exécution en nature et les dépens, des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’il a subi, notamment pour compenser les honoraires et débours extrajudiciaires qu’il a engagés.
Ne pas le faire risque de coûter beaucoup plus cher…
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